Travail dissimulé | Les risques encourus pour les artisans
Travail dissimulé, travail au noir, travail "au black"… Les expressions sont multiples, et bien connues de tous. Le secteur du bâtiment, en particulier, n’échappe pas à cette réalité. Mais attention : le travail dissimulé ne se limite pas à payer quelqu’un en liquide sans le déclarer. Dans bien des cas, une simple négligence ou un oubli peuvent suffire à requalifier une relation de travail en travail dissimulé, même sans intention frauduleuse. Et c’est là tout le problème : beaucoup d’artisans s’exposent à des sanctions graves sans même le savoir. Alors, qu’est-ce que le travail dissimulé exactement ? Quelles sont les situations à risque, même involontaires ? Et surtout, quelles sont les conséquences si vous êtes concerné ? Je vous explique tout dans cet article !
Travail dissimulé | De quoi parle t-on ?
Le travail dissimulé est une infraction clairement définie par le Code du travail. Contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas uniquement de faire travailler quelqu’un sans le déclarer. En réalité, la notion de travail dissimulé couvre plusieurs situations, certaines beaucoup plus fréquentes qu’on ne le pense… et souvent commises sans intention malveillante.
Pour autant, le travail dissimulé peut conduire à de vraies conséquences néfastes pour l’artisan qui s’en rend responsable. Ce qu’il faut comprendre, c’est que le simple fait de ne pas avoir accompli les formalités obligatoires suffit à qualifier la situation de “travail dissimulé”. Autrement dit, "je ne savais pas" ou "j’ai oublié" ne sont pas des excuses recevables pour l’administration.
En effet, le travail dissimulé représente un manque à gagner important pour les finances publiques, en termes de cotisations sociales non versées, de TVA non collectée, etc. C’est aussi un enjeu de protection des salariés : en cas d’accident, un salarié non déclaré ne bénéficie d’aucune couverture sociale. Enfin, c’est un problème de concurrence déloyale pour les entreprises respectueuses du cadre légal.
La définition du travail dissimulé par le Code du travail
Le travail dissimulé est encadré par l’article L8221-3 du Code du travail. Il peut prendre deux formes principales :
la dissimulation d’activité : lorsqu’une entreprise exerce une activité sans immatriculation ou sans déclarer ses revenus ;
la dissimulation d’emploi salarié : lorsqu’un employeur ne déclare pas l’embauche d’un salarié, ne remet pas de bulletin de paie, ou ne mentionne pas certaines heures travaillées.
Dans le secteur du bâtiment, la deuxième situation est la plus fréquente. Elle peut survenir si :
un artisan emploie quelqu’un sans établir de contrat de travail ;
une déclaration préalable à l’embauche est oubliée ;
des heures supplémentaires sont versées en espèces, sans figurer sur le bulletin de paie ;
une prestation régulière est confiée à un sous-traitant sans formaliser clairement l’indépendance de ce dernier, ce qui peut mener à une requalification en contrat de travail dissimulé.
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Pourquoi certains artisans ont-ils recours au travail dissimulé ?
Recourir au travail dissimulé est illégal, mais cela ne signifie pas que tous ceux qui y ont recours sont animés par une volonté de fraude. En réalité, les motivations sont souvent plus complexes, et parfois liées à un contexte économique tendu, à une méconnaissance des obligations ou à un problème d’organisation.
Pour « alléger » la facture
Dans certains cas, le travail dissimulé permet de réduire artificiellement les coûts. L’employeur évite les charges sociales, le salarié touche une rémunération directe, et le client peut bénéficier d’un prix plus bas. Ce système, bien qu'attrayant à court terme, met tout le monde en danger et fragilise l'ensemble du secteur, notamment dans le bâtiment, où la pression sur les prix est forte.
Par méconnaissance ou mauvaise organisation
Chez certains artisans, l’oubli de la déclaration préalable à l’embauche est fréquent. Parfois même, il peut arriver qu’il y ait une méconnaissance de la notion de sous-traitance. La frontière est parfois floue. Lorsque le « sous-traitant » n’a pas d’autre client, ne fixe pas ses propres tarifs, et travaille selon les horaires et les consignes du donneur d’ordre, il s’agit tout simplement d’un salarié !
De la même manière, le défaut de mention de certaines heures sur le bulletin de paie, ou le paiement d’heures en espèces pour « rendre service », sont des pratiques encore répandues… souvent perçues comme des arrangements informels, mais qui relèvent pourtant du travail dissimulé.
Pour répondre à un besoin urgent
Dans le bâtiment, les urgences sont fréquentes : fin de chantier à respecter, besoin ponctuel de main-d'œuvre, arrêt maladie imprévu… Le recours à un travailleur « non déclaré » peut sembler être une solution rapide. Sauf que cette « solution » peut coûter très cher si un contrôle survient ou si un accident se produit sur le chantier.
Les risques du travail dissimulé
Le travail dissimulé constitue une infraction pénale, sévèrement réprimée par le Code du travail et le Code pénal. Les conséquences peuvent être lourdes, tant pour l’auteur de la dissimulation que pour le client. D’autant que dans le secteur du bâtiment, les contrôles sont fréquents, notamment sur les chantiers.
Pour l’employeur : sanctions administratives, pénales et redressement de cotisations
Celui qui dissimule volontairement tout ou partie de l’activité d’un salarié encourt :
jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (personne physique), montant porté à 225 000 € pour une société ;
le remboursement des éventuelles aides publiques versées perçues sur les 12 derniers mois ;
la suppression des aides publiques, pendant une durée maximale de 5 ans ;
la fermeture de l’établissement pour une durée maximale de 3 mois ou l’arrêt de l’activité pour les chantiers de bâtiment, qui peut être assortie de la saisie du matériel professionnel ;
l’interdiction de répondre à des marchés publics pendant 5 ans ;
l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée ;
l’interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
le remboursement des cotisations sociales éludées, avec majorations et pénalités de retard dans un délai maximum de 5 ans.
En cas de litige avec le client
Le recours au travail dissimulé prive l’artisan comme le client de toute sécurité juridique. En l’absence de déclaration, aucune des deux parties ne bénéficie des recours habituels en cas de litige.
Pour l’artisan, le risque est énorme. Si le client refuse de payer à la fin du chantier, il sera impossible de réclamer quoi que ce soit en justice. Sans CGV, sans devis signé, sans facture, sans preuve d’un quelconque contrat entre les deux parties, aucune action de recouvrement ne pourra être engagée. C’est un travail qui peut rester impayé… sans aucun recours.
Et du côté du client, le danger est tout aussi réel. En cas de malfaçons ou de défauts dans les travaux réalisés, il sera impossible de faire jouer les garanties légales (garantie de parfait achèvement, garantie décennale, etc.). Ces protections sont uniquement applicables lorsque le chantier est exécuté par un professionnel déclaré et assuré.
En cas d’accident : des conséquences dramatiques
Si un travailleur non déclaré est victime d’un accident du travail, les conséquences peuvent être très graves pour l’employeur. En effet, aucune assurance ne pourra prendre en charge le dommage car elle n’a pas connaissance de l’existence de la situation. L’employeur devra alors tout financer sur ses fonds propres (soins, indemnités liées à l’incapacité de travail, etc.).
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Sabine Vuillermoz
Avocat au Barreau de Sens